09.11.2004 – Le Nouvelliste par Emmanuel Manzi

Grand sorcier des sons

L’anglais David Richards a fait de Montreux l’une des plaques tournantes les plus prisées de la planète rock, dans le domaine de l’enregistrement et du mixage

« C’est avec les Rolling Stones que j’ai débuté, en 1975, au studio Mountain de Montreux, en tant qu’assistant du meilleur ingénieur du son de l’époque, Keith Harwood (Led Zeppelin).»

David Richards ne pouvait rêver meilleure formation. Cinq ans plus tard, il devient ingénieur eu chef, puis même directeur artistique de Queen et Bowie. Tous les groupes anglo-saxons se l’arrachent. Car il a réussi à confectionner un son somptueux et typé.

« Ma vie se déroulait comme sur un tapis rouge… Je réalisais tous mes rêves!»

Puis, c’est la déception, il y a deux ans: Des financiers rachètent le casino de Montreux et son studio Mountain. Dave accuse le coup, d’autant que son amour bat de l’aile. Il se réfugie alors dans une villa de style californienne, dans le village d’Attalens, à la frontière des cantons de Fribourg et Vaud. Il remonte aujourd’hui petit à petit son studio, chez lui. Dave fait visiter sa nouvelle demeure. Tel un gentleman farmer, il offre du thé au miel, n’apprécie guère d’être interrompu, et s’étonne que l’on ne l’enregistre pas d’entrée de conversation…

Son secret? Enregistrer la spontanéité de l’âme

Pas étonnant quand on apprend que l’un de ses secrets est d’avoir toujours conservé les premières prises, même celles qu’effectuaient en se chauffant les plus grands groupes de rock.

«Histoire d’attraper au vol la spontanéité de l’artiste. On ne sait jamais quand la magie opère. Quelquefois, c’est justement quand les chanteurs et musiciens répètent qu’ils sont les meilleurs.»

L’Anglais se livre d’abord au compte goutte. Puis, le verre de vin aidant, sa langue se délie.

«Je viens de la même bourgade, Carshaiton, dans le comté du Surrey, que Mickjag-ger et Keith Richards. En tant qu’enfants, nous ne nous sommes jamais croisés.»

Dave débute à Londres, au Chapel Studio, comme l’un des sept assistants. Son chef John Timberly (ex-Yes) le choisi pour créer à Montreux ce qui devient le plus moderne studio d’Europe. But: enregistrer les concerts du Montreux Jazz Festival. Le propriétaire d’alors, Alex Grob, consent à aménager la salle restante du dessus, pour que Dave puisse enregistrer des groupes de la région romande (William Fieno, Sébastian Santa Maria) durant le restant de l’année. Mais ce sont bien les grands comme Deep Purple, Emerson-Lake&Palmer, les Yes de Jon Anderson («dont je fus déçu, en tant que fan, tant ils passaient de temps à réenregistrer»), Chris Rea et bien d’autres qui donnent au Mountain Studio de David Richards ses lettres de noblesse internationales. Ainsi, ses stars du rock jouent dans la grande salle du Casino, avec une acoustique unique au inonde, en étant enregistrés depuis les deux cabines de pilotage superposées. « Je travaillais comme un passionné 18 heures par jour.»

Rock’n’roll: Il se lance au culot!

A 18 ans, Dave adopte l’attitude rock’n’roll! A Londres, son premier enregistrement d’un groupe s’opère dans le studio des Who. Mais il ne sait pas l’utiliser. Alors il confie les manettes de la table de mixage à l’assistant de 22 ans…

«Dès mes débuts. j’ai usé de culot. de filouterie, en grand blagueur.»

A 5 ans, il va écouter son père composer et orchestrer les films de James Bond. Puis, lorsqu’il s’adonne au patinage artistique, il coupe lui-même ses bandes son. avec une lame de rasoir.

«A 7 ans, j’ai su que mon métier serait dans la musique, d’autant que j’avais acquis une avance accrue dans le traitement du son.»

Orchestrateur

Richards ne peut s’empêcher de conclure sur sa protégée, la violoncelliste classique Nathalie Manser. Qui, a priori, lui doit tout. Pourtant, tient à préciser Dave, «c’est elle qui m’a permis de m’aventurer à composer des arrangements. Elle est certes impatiente et exigeante, mais elle a le talent et le charisme d’une star».

Entretien exclusif: Emmanuel Manzi

 

Mick Jagger : «Même quand il me tournait le dos dans le studio, j’étais impressionné par son charisme. Il gardait un contrôle total sur la production, avec une intelligence accrue.

 

David Bowie : «Avec lui, je ne pouvais prendre que deux prises de voix. A tel point que, parfois, je ressentais l’envie de le refaire chanter. Mais le parfait gentleman m’en empêchait» .

 

Freddy Mercury : «Je devais gérer les inspirations de Freddy Mercury. Car, au milieu d’une chanson, il avait tout à coup une idée pour un prochain titre. Je devais alors changer les bandes. Avec lui, l’enregistrais cinq pistes pour la voix principale. Puis une centaine d’autres prises pour l’harmonisation. Il était terriblement perfectionniste.»

 

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