28.10.2004 – La Presse Riviera Chablais par Raphaël Delessert

La violoncelliste montreusienne Nathalie Manser sort un deuxième disque

Un cœur de bois dans un écrin électro.

Mêlant violoncelle et sonorités électroniques, le deuxième album de Nathalie Manser est dans les bacs. Pour l’écrire et l’interpréter, la montreusienne a pu compter sur l’ingénieur du son Davide richardes.

Ceux qui ont assisté à ce spectacle époustouflant il y a deux ans s’en souviennent à coup sûr: le concert mêlant sons, lumières et parfums en clôture du Marché de Noël de Montreux avait fait se lever un Auditorium Stravinski comble. Au cœur de ce show resté gravé dans les tympans et les sinus, une jeune femme et son violoncelle. Epaulée par l’ingénieur du son Dave Richards et des chanteurs de la Riviera, Nathalie Manser et son archet magique avaient lissé les plumes des «Anges», son premier disque.

Toujours aussi aérien, bourré d’émotion, «Alpha Centauri», le deuxième album de la montreusienne se situe à un séduisant carrefour où la plainte du violoncelle rejoint les volutes électroniques de celui qui a enregistré, Queen, Bowie et les Stones dans le défunt Mountain Studio de Montreux. Rencontre à Attalens derrière la régie de la nouvel antre capitonnée de Dave Richards.

– Nathalie Manser, vous avez débuté le violoncelle à l’âge où les petites filles ne rêvent que de piano, de violon ou de chant…

– J’avais 4 ans lorsque j’ai eu le coup de cœur pour cet instrument. J’étais à un concert classique et j’ai gardé les yeux rivés sur le violoncelle pendant une heure et demie! J’ai tout de suite aimé son aspect, les sons graves et amples qui en sortaient. J’ai débuté les cours privés à 7 ans, avec un violoncelle adapté à ma taille.

A 16 ans, je suis entrée au Conservatoire de Lausanne où j’ai obtenu ma licence de concert. J’ai par la suite perfectionné ma technique dans différents orchestres de Suisse romande. Mais, étant très indépendante de nature, je ne me voyais pas «m’enfermer» dans un orchestre toute ma vie. En marge des leçons de violoncelle que je donnais, je me suis mises à composer et j’ai rencontré David Richards. Ensemble, nous avons enregistré « Les Anges ».

Que diriez-vous à ceux qui ont déjà entend et aimé ce premier disque et qui voudraient en savoir plus sur « Alpha Centauri » ?

David Richards : C’est un album qui s’inspire davantage des styles lounge et chill out, ces musique qui sont jouées dans les boîtes de nuit à la fin de la soirée. Même si l’élément classique demeure.

– Nathalie Manser: Le premier disque affichait différents genres: world, techno, même quelques rythmes rap. On se cherchait un peu. Après le spectacle de Montreux, une tournée au Japon et plusieurs concerts en France, nous avons pu voir ce qui plaisait aux spectateurs. Finalement, «Alpha Centauri» est plus uni, moins éclectique que «Les Anges». Nous avons voulu nous renouveler mais sans tomber dans les clichés de la musique world instrumentale.

-Sur le titre «Gaïa», Vous ouvrez à nouveau vos micros aux voix des Amérindiens…

– NM: J’ai toujours été fascinée par les Indiens d’Amérique. Par leur respect pour la nature, pour l’homme. Des valeurs qu’on a un peu perdues par ici. Notre musique reste inspirée par les cultures ancestrales. On aime bien aussi mélanger les époques: dans un morceau, le duduck, une très vieille flûte, se mêle aux sonorités électroniques.

-… et, selon votre dossier de presse, vous faites aussi chanter les étoiles?

– DR: Nous avons eu le privilège de collaborer avec l’astronome Garik Israelian ainsi qu’avec une équipe de l’Observatoire de Genève. Il n’y a pas de son dans l’espace, mais ces astronomes ont découvert que chaque étoile a une résonance très lente qui lui est propre, une sorte de signature. Nous avons songé à mettre ces vibrations dans un spectre audio. La première fois que j’ai entendu le résultat, ça m’a fait penser à une grosse chaudière! (rires) Et en filtrant ces sons, je suis parvenu à les rendre harmonieux.

– Dans un registre beaucoup plus classique, vous reprenez le «Boléro» de Ravel. Pourquoi?

-NM: C’est le tourneur qui a s’occupe des productions du Ballet du Bolchoï qui nous l’a demandé en vue d’une éventuelle c collaboration. Nous avons dû demander la permission à la famille Ravel. Interprété au violoncelle, le «Boléro» est très sensuel…

– DR, l’interrompant l’œil égrillard: Mais il est totalement érotique, ce morceau!

– Et si vous deviez définir le son du violoncelle?

– DR: Il est proche de la voix humaine, capable de descendre très bas et de monter très haut. C’est un instrument très difficile à enregistrer: en bougeant le micro de 2 centimètres, le son peut totalement changer.

– NM: Mais parfois, à vouloir ai tout rectifier, on perd en spontanéité. Ce qui sort de mon violoncelle me dépasse parfois. J’ai l’impression que l’inspiration vient d’ailleurs.

-Nathalie, que pensent de votre musique ceux que vous avez côtoyés dans le milieu classique ?

-NM: J ai des tans dans le classique, il y a du respect pour ce que je fais. D’ailleurs certains luthiers ont acheté mon premier disque…

– L’association musique classique / arrangements modernes accouche parfois de mélodies aussi commerciales que pompeuses. Comment éviter cet écueil?

-NM: Je ne pourrais jamais faire du «Rondo Veneziano» par exemple. Les excentricités de la violoniste Vanessa Mae ne sont pas ma tasse de thé non plus. Ce que Dave et moi jouons, c’est du commercial. Mais du commercial authentique.

Entretien Raphaël Delessert

Share:
(c) 2022 - Nathalie Manser & Screen Light Data System