22.06.2002 – La Liberté par Antonin Scherrer

Finies les folles années nonante

AUDITORIUM STRAVINSKI

La prochaine saison, annoncée hier, le confirme: à Montreux, le classique est réduit à la portion congrue.

Pour ceux qui en doutaient encore, la présentation hier de la saison 2002-2003 de l’Auditorium Stravinski l’a confirmé: Montreux est bel et bien rentré dans le rang, avec une offre culturelle tutti frutti semblable à celle de ses consœurs provinciales de même taille. Finies les folles années nonante, l’inauguration en grande pompe de l’auditorium à plus de soixante millions et les rêves de prestige: mis à part le Montreux Jazz Festival qui a toujours évolué dans une autre catégorie, l’année culturelle montreusienne est jalonnée aujourd’hui d’événements similaires à ceux que l’on peut rencontrer à Morges, à Pully, à Monthey, ou encore chez la voisine veveysanne. De Serge Lama à Frank Dubosc, d’Alain Morisod aux 100 violons tziganes, en passant par les incontournables Concerts Club Migros et les Rencontres chorales: il semble bien loin le temps où l’on rêvait la saison de l’Auditorium comme une sorte de prolongement hivernal du défunt Septembre Musical, en accueillant les plus grandes phalanges de la planète sous un toit construit pour eux.

Eclectisme: le terme employé par Alain Feissli, conseiller communal en charge des affaires culturelles, prend ici valeur de symbole. Par-delà la diversité des soirées proposées, le nombre des partenaires privés et publics venus présenter leurs «produits» lors de l cette conférence de presse témoigne de l’orientation bigarrée qu’est en train de prendre cette saison culturelle. Alors qu’en 1999-2000 la musique classique tenait encore le haut du pavé, avec neuf soirées sur les quinze proposées, cette année celle-ci est réduite à la portion congrue avec cinq concerts sur dix-huit, dont quatre proposés par les Concerts Club Migros. Grands gagnants: les promoteurs de spectacles indépendants, comme Live Music, Z ou encore Grégoire Furrer Productions, présents lors de cette conférence pour «vendre» leurs spectacles – et au passage, pour certains, vanter l’excellence de leurs prestations…

Aux Montreusiens de juger. C’est eux qui, au moment de l’inauguration de l’Auditorium Stravinski en 1993, s’étaient plaints de l’élitisme de sa programmation. Est-elle aujourd’hui davantage tournée vers eux, vers leurs goûts, vers leurs aspirations culturelles? C’est ce que semble penser Alain Feissli, qui cite en exemple le concert Un monde de senteurs proposé le 21 décembre par la violoncelliste Nathalie Manser et le compositeur et sonorisateur David Richards: une prestation totalement inédite, mise en odeurs par Michel Roudnitska et en lumières par Jacques Morard, qui s’inscrira dans le cadre du très populaire Marché de Noël, avec la participation de danseurs et de jeunes chanteurs de la région, et incarnera une sorte de pont entre les autochtones et leur salle.

Enfin, aucun mot prononcé au sujet de la renaissance annoncée du Festival de Musique; beaucoup de rumeurs, mais impossible de dire à ce stade où les éventuels concerts – que l’on dit imminents, pour cette année déjà – viendront se greffer. Le débat est donc loin d’être éteint, même s’il régnait hier dans le foyer de l’Auditorium une ambiance bon enfant et un sentiment d’autosatisfaction non dissimulé.

ANTONIN SCHERRER

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